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Velléité de 4ème mandat d’Alassane Ouattara : « Attention au pouvoir pour le goût du pouvoir ! » (Le Nouveau Réveil)

Le débat sur un éventuel quatrième mandat d’Alassane Ouattara s’intensifie après ses récentes déclarations devant le corps diplomatique, où il a laissé entendre qu’il pourrait poursuivre sa carrière présidentielle. Cette annonce ravive des interrogations sur sa volonté réelle de passer la main à la jeune génération, comme il l’avait promis. Loin de la simple question d’un bilan macroéconomique, cette situation soulève des critiques sur le respect des engagements pris, la pérennité du renouvellement générationnel et les risques d’une « soif de pouvoir » qui pourrait fragiliser la démocratie ivoirienne.

Le débat sur la candidature du président Alassane Ouattara pour un quatrième mandat prend une autre tournure depuis qu’il a déclaré, le 9 janvier 2025, devant la communauté internationale représentée par le corps diplomatique, qu’il n’a pas encore dit son dernier mot sur sa candidature. Qu’il est en pleine santé et désireux de continuer à servir la Côte d’Ivoire son pays. À observer de près ce revirement du chef de l’État, l’on s’aperçoit finalement que c’est juste pour le goût du pouvoir qu’il ne veut pas partir puisqu’il reconnaît, lui-même, avoir bien travaillé et détenir une demi-douzaine de cadres capables de lui succéder. Ce qui, logiquement, devrait l’encourager à partir la tête haute, fier de son bilan et d’avoir préparé la relève.

Mais que non! Alassane Ouattara est plutôt désireux de se maintenir pour un quatrième mandat pourtant diversement apprécié par nombre de ceux-là mêmes qui l’ovationnent publiquement à tout rompre. Mais qui, en privé, condamnent sa décision.

Les personnes qui avaient encore quelques réserves vis-à-vis de cette question de candidature du président Ouattara se rendent compte que le chef de l’État est bien prêt à rempiler, faisant ainsi voir de toutes les couleurs au peuple ivoirien. Sinon qu’est-ce qui peut expliquer une telle hésitation d’un chef d’État comme Alassane Ouattara qu’on avait fini par créditer d’un bon capital de confiance quant à sa volonté d’aider la Côte d’Ivoire à opérer ce qu’il a lui-même appelé « le renouvellement générationnel »? C’est-à-dire, permettre à la jeune génération de prendre la relève. Et lui-même en avait donné le ton.

En 2020, il avait clairement désigné son successeur en la personne de l’ancien Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. N’eut été le décès brutal de ce dernier, le 8 juillet 2020, la succession du président Ouattara relèverait désormais du passé. On serait plutôt en train de parler de la candidature de celui qui lui aurait succédé depuis 2020 à la tête de l’État.

Mais voilà que le président ivoirien surprend plus d’un en déclarant devant le corps diplomatique que son parti avait eu raison de lui demander d’être candidat à sa succession. Cette déclaration, de toute évidence, donne froid dans le dos puisqu’elle montre que le choix de Gon Coulibaly pour succéder au président Ouattara ne semblait pas sincère. C’était un choix de façade contrairement aux nombreuses flagorneries auxquelles le RHDP avait donné d’assister. Le président Ouattara était le premier à présenter ce dernier comme un homme politique compétent, un travailleur infatigable digne de lui succéder.

Mais il a suffi qu’Amadou Gon Coulibaly ne soit plus là pour qu’on sollicite le chef de l’État pour un troisième mandat et aujourd’hui pour un quatrième s’il se présente à nouveau. Quatrième mandat qu’il vise alors qu’il dit, lui-même, que son parti a une demi-douzaine de cadres tout aussi présidentiables les uns que les autres. Réalité ou simple bluff de la part d’un chef indécis, embarrassé ? À chacun de juger ! Mais ce qu’il convient de dire au RHDP et à son président, c’est que l’élection présidentielle ne se gagne pas d’avance parce qu’on s’appelle X ou Y ou parce qu’on est un président sortant qui se gargarise de son bilan macroéconomique.

C’est le peuple souverain qui élit le président en toute connaissance de cause. On peut avoir bâti un pays entier et perdre des élections si le peuple, dans sa majorité, considère que vous avez accompli votre part de mission et qu’il vous faut libérer le tabouret, pour paraphraser Adama Bictogo, président de l’Assemblée nationale. Car, comme le dit si bien Jean Pierre Cardinal Kutwa, Archevêque émérite d’Abidjan, « il faut savoir partir afin que l’amour ne se transforme pas en haine. »

La Côte d’Ivoire est un pays de paix, de dialogue et de tolérance, des valeurs qu’il faut savoir incarner. Les seules réalisations infrastructurelles ne sont pas un gage de victoire à une élection présidentielle dans ce pays aux énormes potentialités que tout bon gouvernant peut mettre au service de son développement si des rébellions et coups d’États stupides ne viennent pas l’en empêcher.

Au Sénégal, près de nous, le président Abdoulaye Wade avait construit le « premier tunnel Ouest-africain » à Dakar sur lequel moi-même ai réalisé un reportage. Mais il a été battu à la présidentielle qui a suivi. Que le président Ouattara veuille coûte que coûte se présenter à la présidentielle d’octobre prochain, cela ne regarde que son parti et lui. Mais là où ils sont attendus, c’est de faire croire que le chef de l’État sera forcément le gagnant du fait de son statut de président sortant, ou de doyen des candidats ou encore de celui qui ne perd jamais, comme il aime bien le dire.

La CEI, dont l’impartialité est sujette au doute chez plusieurs personnes, est attendue sur ce terrain plus que par le passé. Il faudra s’en remettre aux stricts suffrages des populations qui, à écouter les uns et les autres, sont pour la plupart prêtes à infliger un vote-sanction au président Ouattara pour non-respect de la parole donnée. Et pour les multiples atteintes aux règles du jeu démocratique. Notamment le refus de se soumettre aux deux mandats constitutionnels et d’aider à mettre en place une CEI véritablement impartiale pour des élections crédibles.

Abel Doualy
Le Nouveau Réveil
Le chapeau est de la rédaction d’Afriksoir